
« Le courage de la nuance ». Contre la pensée dogmatique, le 26 avril 1955 à Athènes.
« Quel est le mécanisme de la polémique ? Elle consiste à considérer l’adversaire en ennemi, à le simplifier par conséquent et à refuser de le voir. Celui que j’insulte, je ne connais plus la couleur de son regard, ni s’il lui arrive de sourire et de quelle manière. Devenus aux trois quarts aveugles par la grâce de la polémique, nous ne vivons plus parmi des hommes, mais dans un monde de silhouettes », alertait déjà Camus en 1948.
« Nous étouffons parmi les gens qui pensent avoir absolument raison », résume encore l’écrivain.
« Je n’ai jamais cru au pouvoir de la vérité par elle-même, note Camus, dès 1943, dans sa première « Lettre à un ami allemand ». Mais c’est déjà beaucoup de savoir qu’à énergie égale, la vérité l’emporte sur le mensonge. C’est à ce difficile équilibre que nous sommes parvenus. C’est appuyés sur cette nuance qu’aujourd’hui nous combattons. Je serais tenté de vous dire que nous luttons justement pour des nuances, mais des nuances qui ont l’importance de l’homme même. » Le résistant, qui proclame à la fois la légitimité de la violence et l’indignité de la terreur, précise un an plus tard dans le journal Combat : « Notre monde n’a pas besoin d’âmes tièdes. Il a besoin de cœurs brûlants qui sachent faire à la modération sa juste place. »
Œuvres complètes / Albert CAMUS .- Paris : Editions Gallimard, 2008.- (Collection La Pléiade)
Tome 1 : 1931 - 1944 ISBN : 978-2070117024
Tome 2 : 1944 - 1948 ISBN : 978-2070117031
Tome 3 : 1949 - 1956 ISBN : 978-2070117048
Tome 4 : 1957 - 1959 ISBN : 978-2070117055
Albert Camus naît à Mondovi, en Algérie, le 7 novembre 1913. Pendant la seconde guerre mondiale, il intègre un mouvement de résistance à Paris, puis devient rédacteur en chef du quotidien Combat à la Libération. Journaliste, mais aussi philosophe, romancier et dramaturge, il reçoit le prix Nobel de littérature en 1957. Pour ce "Français d'Algérie" pauvre et sans racines, le tragique est indissociable de l'aspiration à un bonheur qu'il sait aussi précaire que le soleil de midi. S'il voue sa vie entière au théâtre (Caligula, L'État de siège, Les Justes), ses romans (L'Étranger, La Peste, La Chute) et son oeuvre de journaliste l'imposent comme l'un des principaux acteurs de son temps. Il meurt en 1960 dans un accident de voiture, laissant le manuscrit du Premier homme inachevé.
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